Une brève histoire du Rock’n’Roll

On peut à peu près tomber d’accord sur le fait que c’est bien Elvis Presley qui a permis au grand public de découvrir le Rock’n’Roll. Pour autant, cette musique existait déjà bel et bien lorsque le King a commencé à sévir dans les bars de Memphis. 

Notre Johnny Hallyday national ne s’y trompait pas. La musique qu’on aime, elle vient de là, elle vient du blues. Mais du coup, d’où vient le blues ?

On dit que le Blues prend ses racines dans le Sud des Etats-Unis, exactement dans le fameux « delta » où j’aurai tant aimé aller.

Des terres de plantations où les esclaves noirs qu’on a fait venir d’Afrique récoltaient le coton sous un soleil torride de l’aube à la tombée de la nuit. 

C’est à travers les « negros spirituals » des chants a cappella que ces travailleurs se donnent du courage en exprimant leur douleur, leurs peurs, leur angoisse et leur désespoir. 

Après la guerre de Sécession (1880), malgré leur défaite et l’abolition de l’esclavage, les Sudistes promulguent des lois ségrégationnistes (séparation d’un groupe social des autres membres de la société) interdisant tout droit politique et civique aux Noirs. C’est alors que le ton de la musique noire change. Elle devient contestataire.

Au début du XXe siècle, on assiste à une première vague d’immigration. Deux millions de Noirs quittent le Sud pour le nord où l’industrialisation offre de nombreuses opportunités de travail. 

Beaucoup se retrouvent à Memphis dans le Tennessee, ville portuaire sur le fleuve Mississipi où les anciens ramasseurs de coton se retrouvent chargés de débarquer les balles de coton des immenses cargos. Cette nouvelle population se concentre dans le quartier populaire situé autour de Beale Street (aujourd’hui la rue la plus touristique de la ville avec ses nombreux bars proposant tous les soirs de la musique en live).

C’est réellement ici que nait le blues, qu’il se structure et deviendra peu à peu le « Rythm’n’blues » qui fera danser les noirs après leurs journées de travail.

De cette époque on peut retenir Charlye Patton qui, initié au blues dans le fameux delta qui porte désormais le nom de Delta du Blues, le transcendera en utilisant une lame de couteau pour faire pleurer les cordes sur lesquelles il la fait glisser.

Robert Johnson quant à lui est considéré comme le fondateur du blues moderne. Repris par les plus grands comme les Rolling Stones, il est également plus connu du grand public.

Pendant ce temps la, les « négros spirituals » continuent leur petit bonhomme de chemin, s’ouvrent les portes des églises et commencent à inspirer les blancs becs de la country qui, comme les bluesmen, font bien souvent appel à dieu dans leurs chansons.

Ce nouveau son remonte jusqu’à Chicago et va jusqu’à se mélanger aux influences du swing blanc de Californie. John Lee Hooker est ainsi l’un des premiers à s’entourer de musiciens blancs (à l’occasion, faut pas déconner).

Mais cessons de tourner autour du pot et venons en au Rock’n’Roll.

Tout d’abord l’expression est utilisée par les noirs et donc délaissée par les médias. La communauté blanche commence par utiliser le mot « rock » dans beaucoup de chansons country rapides. C’est donc par le biais de la country et de sa révolution « Rock » que la musique noire serra enfin reconnue et ce n’est qu’à la fin des années 55, constatant l’énorme engouement suscité par cette nouvelle musique, que les médias acceptèrent enfin le terme « Rock’n’roll ».

Le Rock prend donc racine dans les styles populaires de la musique américaine : le rythm and blues, la country, le folk, le blues… Le rock naît dans un contexte où le prolétariat américain a besoin d’une musique plus chaleureuse. Il n’emprunte rien à la culture de la bourgeoisie et devient la manifestation de l’anti-culture. 

Pour autant, soyons clair, l’étiquette Rock’n’Roll a , dans un premier temps, été utilisée pour distinguer le rythm and blues des noirs de celui des blancs et ce pour des raisons liées à la politique raciale de l’époque. Il était impensable que des artistes blancs se retrouvent dans les mêmes bacs chez les disquaires que les noirs. Le style particulier du rythm and blues blanc a donc servi de prétexte pour une nouvelle étiquette « Rock’n’Roll ».

Il est difficile de dire quand est né exactement le rock’n’roll. Certains disent que c’est Louis Jordan qui sert de relai entre Blues et Rock’n’Roll à la fin des années 1940. Il se déleste de la partie sombre et torturée du blues pour insuffler joie et rythme dans des morceaux qu’il veut dansant et amorce du coup la marche en avant de l’histoire.

Toutefois, si il y avait une date fondatrice à retenir ça serait certainement 1953 et la sortie des singles Rock Around the Clock et Crazy Man Crazy par Bill Haley. 

C’est sous le terme de Rockabilly que l’on désignera à cette période la première forme historiquement identifiable de rock’n’roll, il s’agit essentiellement d’un croisement de rythm and blues et de musique country. C’est a ce moment là que les monuments tels qu’Elvis Presley, Carl Perkins, Jerry les Lewis et Johnny Cash (qui s’accaparera les codes du Rock’n’Roll tout en gardant un registre bien country) vont prendre part à l’histoire. Tous repérés par les studios SUN de Sam Phillips. 

Elvis Presley enregistre ainsi en 1954 ce qui est probablement l’un des tout premiers morceaux de rockabilly avec That’s Alright Mama et collectionnera très rapidement les succès.

Fini le rock « gentil » et raisonnable du début des années 50, Elvis « le king » Presley fait du rock’n’roll l’image du mal. Bon, Jerry Lee Lewis l’aide bien car en matière d’excès ça reste lui le roi. Refusant de jouer en play back et ne voulant jouer qu’en dernier dans les concerts, il sera par exemple tellement vexé de devoir passer avant Chuck Berry que lors d’un concert en 1958, il excita le public qui hurlait contre la scène. Il asperga d’essence le piano d’une main avec une bouteille tout juste sortie de la poche de sa veste tandis que de l’autre il martèlait Whole Lot Shakin’Going On et il mit le feu au piano, ses mains galopant toujours sur les touches. En rejoignant les coulisses, il se tourna vers Chuck Berry et lui dit très calme : « Après ça, assure Négro ».

Jerry Lee Lewis est une créature d’essence mythique, un Dionysos baptiste avec le feu sacré, feu alimenté par une culpabilité auto-destructrice. 

Eddie Cochran (Summertime), et autres Gene Vincent (Be bop a lula) s’engouffrent également dans la brèche. Les musiciens noirs restent très actifs avec notamment Chuck Berry et Little Richard qui auraient sans doute joué des rôles plus important dans une Amérique plus ouverte…

Tout cela fait que le rock’n’roll provoque un mouvement de rejet de la bonne société américaine qui croit avoir triomphé de ce mouvement à la fin des 50’s. On annonce alors la mort du rock. Les chanteurs sont désormais très consensuels et Elvis, notamment avec la médiatisation de son service militaire, est institutionnalisé, cantonné aux ballades. Vers la fin des 50’S, et le début des 60’s, on entend de plus en plus de titres de rock’n’roll plus « sages », plus « doux » et qui vont engendrer la musique pop. Le rock stagne aux Etats-Unis et son renouveau viendra d’Europe et plus particulièrement d’Angleterre. D’ailleurs en Europe, le terme « pop music » n’a pas du tout la même signification qu’aux Etats-Unis car il remplace celui de rock music.

Les premiers émules d’Elvis apparaissent comme Cliff Richard. Au passage cependant, le rock’n’roll s’adapte à son époque et les Shadows qui accompagnent Cliff Richards initient l’archétype de la formation rock telle qu’elle sera reprise aussi bien en Europe que de l’autre côté de l’Atlantique : la contrebasse disparaît au profit de la basse électrique, deux guitaristes se répartissent les tâches de la rythmique pour le premier et des chorus pour le second. 

Les groupes britanniques s’éloignent ainsi rapidement de leur modèle américain pour créer une musique originale que les francophones appellent le « rock anglais ».

Le renouveau du rock arrive de Liverpool avec les Beatles qui accentuent le travail sur la mélodie et les harmonies vocales.

Les Rolling Stones émergent comme le fer de lance de ce rock britannique. Sur la lancé des Beatles, les Stones se présentent comme leurs rivaux avec des titres comme Carol (1964), une reprise empruntée à … Chuck Berry Tiens, tiens ! 

Ils reprennent le thème du mal en le poussant à son extrême. Dans Sympathy for the devil Mick Jagger chante : je suis le diable. 

Le Rock est mort, vive le Rock !

SOURCES : 

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