Le poivre de Kampot

De passage à Kep, j’avais deux idées en tête. La première déguster le fameux crabe au poivre vert qui fait la réputation de la ville et la seconde, visiter une plantation de poivre.

Il faut dire que le poivre de Kampot a sa petite réputation et est connue et reconnue à travers le monde.

Histoire du Poivre à Kampot

L’histoire du poivre de Kampot se recoupe étrangement avec l’histoire du Cambodge en général : vagues d’immigration chinoise, protectorat français, guerre civile et le nouveau développement économique du Cambodge aujourd’hui ont façonné le Cambodge comme le poivre de cette région.

L’influence Chinoise

Ceux sont les chinois qui furent les premiers à cultiver le poivre à Kampot. Ces derniers cultivaient le poivre en milieu naturel, c’est-à-dire en foret ou les lianes poussent le long des arbres.

Le Protectorat Français

A la fin du XIXe siècle, les français arrivent au Cambodge et avec eux de nouvelles façons de produire et commercialiser le poivre de Kampot.

Ces derniers souhaitent alors faire de la Cochinchine une région productrice de poivre à grande échelle. Ils introduisent la culture intensive dans la région de Kampot et le commercialisent vers la France et le reste de l’Europe.

Le poivre est alors cultivé sur des terre-pleins, en plaine et sur tuteurs de bois morts. La région devient un producteur important avec près de 8000 tonnes par an produites dans les années 1908.

Si la production chute par la suite, notamment du fait de la création d’un impôt sur le poivre, celle-ci se maintient aux alentours de 3000 tonnes par an jusqu’aux années 1960.

La presque totalité du poivre consommé en France provient alors de la Cochinchine d’où il est exporté par le principal port d’alors : Kampot. Ce port donnera le nom de « poivre de Kampot » à l’épice que nous connaissons aujourd’hui.

Cette hégémonie du poivre de Kampot sur les tables françaises lui permettrons d’acquérir une renommée hors de frontières du royaume.

La Guerre Civile

La guerre qui débuta avec l’arrivée des Khmer rouges dans les années 1970 et qui se prolongea jusqu’à la fin des années 1990 porta un coup fatal à la production du poivre. Les poivrières furent détruites ou abandonnées et lorsque le calme revint, seules une poignée d’entre elles avaient survécut.

De plus, ces trente années de guerre affaiblirent considérablement les capacités économiques du pays, détruisirent les infrastructures et plongèrent la population dans un dénuement extrême.

Le Renouveau.. Ou Presque

A la fin des années 1990, les familles de producteurs de poivre revirent sur leurs terres. Le prix du poivre était alors au plus haut et ils se remirent naturellement à planter cette épice de choix, espérant profiter de cette inflation. Malheureusement, ils ne furent pas les seuls à planter et 4 ans plus tard, la première récolte arrivant, les prix s’effondrèrent.

La production de poivre n’était des lors plus rentable et s’effectuait à perte. Les producteurs préférant arracher cette culture commencèrent à disparaître de nouveau.

Aujourd’hui, le poivre de Kampot bénéficied e la protection d’indication géographique (IGP), qui correspond à ce que nous connaissons en France comme AOP (appellation d’origine controllée). il est une garantie pour le consommateur qu’il achète réellement du Poivre de Kampot, et non une contrefaçon.

Cette traçabilité permet au poivre de jouir à nouveau d’une réputation de qualité. Les producteurs agrandissent leurs exploitations et ont de nouveau confiance en l’avenir.

Le Terroir

Le poivre de Kampot est cultivé dans la province du même nom au sud du Cambodge ainsi que dans la province adjacente de Kep.

La province de Kampot se trouve à environ 150km de la capitale, Phnom Penh. Elle est bordée par le golf du Siam au sud et le Vietnam à l’est.

Le poivre est cultivé essentiellement sur le district de Kompong Trach et la montagne de Phnom Voa. Cette zone bénéficie en effet d’un sol de latérite poreux permettant un bon écoulement des eaux de pluie, caractéristique essentielle dans la culture du poivrier car elle permet d’éviter le pourrissement des racines.

Le Poivrier

Le poivrier (Piper Nigrum) est une liane originaire des forêts tropicales. Elle y pousse le long des arbres et peut atteindre plus de 10 mètres de hauteur. Elle requière un sol fertile et permettant un bon drainage des eaux de pluie ainsi qu’une couverture ombrageuse pour la protéger du soleil, tout particulièrement lors des premières années.

Lors de la floraison, des tiges vertes se développent, sur lesquelles de minuscules fleures vont éclorent et donneront les fruits. Le poivrier est hermaphrodite et la pollinisation s’effectue le plus souvent entre fleurs différentes du même épis.

Les Poivrières de Kampot

A Kampot, depuis le protectorat français, la culture se fait en plaine. Pour cela, il a fallu reproduire les conditions naturelles.

Les poivrières sont donc établies sur un terre-plein surélevé d’environ 2 mètres de hauteur, entouré d’un fossé de drainage. Le sol de latérite poreux permet un bon écoulement des eaux de pluies. Des tuteurs de bois mort de 3 à 4 mètres de hauteur sont placés en rangs espacés d’au moins 1.80 mètres. Deux lianes sont plantées et attachées sur chaque tuteur.

Une structure en bambou ou fil de fer sert de toiture, des feuilles de cocotier y sont posées afin de reproduire une couverture ombrageuse.

La fertilisation est effectuée plusieurs fois par an et constituée d’engrais bovin, de guano de chauve-souris ainsi que d’apport de terre « vierge ».

La réplication est assurée par bouturage. Les lianes de 3 ou 4 ans sont choisies, certaines de leurs racines sont coupées avant d’être replantées.

La Récolte du Poivre à Kampot

La récolte se fait de Octobre à Mai en fonction du poivre que l’on souhaite obtenir. Cette étape, comme les autres, est entièrement manuelle. De petites échelles permettent de ramasser les grains en hauteur.

De Octobre à Décembre, le poivre jeune et vert est récolté en grappes. La taille des grains ainsi que leur puissance aromatique se développe au fil des mois. Le poivre récolté en Décembre sera donc plus épicé que les jeunes grains de début de récolte.

A partir de Février, les grains commencent à mûrir et prennent une couleur jaune, puis rouge vif à pleine maturité.

Les différentes variétés de poivre de Kampot

Le poivre de Kampot se décline en quatre variétés :

•Le poivre vert

•Le poivre blanc

•Le poivre rouge

•Le poivre noir

Tous ces types de poivres viennen t en réalité de la même liane.

Le poivre vert se récolte à partir du mois de septembre, lorsqu’il est encore jeune et tendre. Récolté jeune sur la liane, ses arômes explosent littéralement en bouche du fait d’un piquant peu prononcé. Malheureusement, il faut venir au Cambodge pour le déguster ! En effet, il voyage très mal et doit se consommer dans les quatre jours !

Le poivre noir est en réalité du poivre vert qui une fois arraché devient noir par un procédé d oxydation naturelle après deux petits jours de séchage. Il a cependant eu le temps de développer des arômes forts et délicats. Son goût très intense et doux à la fois révèle des notes fleuries d’eucalyptus et de menthe fraîche.

Le poivre auquel on a laissé le temps de prendre en maturité prend une couleur rouge, il est alors cueilli en mars à la main et mis à sécher huit jours. Les arômes du fruit viennent enrober le piquant du poivre et amener des saveurs qui se marient très bien à la viande rouge.

Le poivre blanc est en réalité des grains de poivre rouge séché auxquels on a retiré la chair afin de n’avoir que le cœur du poivre. Ce côté piquant relève les salades et les fruits de mer.

Pour l’anecdote, aujourd’hui, on plonge la graine dans de l’eau afin d’en retirer la peau mais au commencement, les oiseaux et chauves souris étaient en charge du processus ! En effet, les volatiles qui raffolaient du poivre rouge en faisaient des festins et on retrouvait alors le poivre blanc dans leurs excréments. La question que je me pose c’st de savoir qui s’est un jour dit « Tiens, dans ce caca d’oiseau il y a une graine de poivre à la couleur étrange, si je gouttais ! »

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